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SUEZ-VEOLIA : 

La bataille boursière de la rentrée !

Antoine Frérot, président de Veolia, souhaite créer un géant environnemental français capable de tenir tête à la concurrence internationale. Pour cela, Veolia, leader français du traitement de l'eau et des déchets, a décidé de s’offrir son concurrent direct, Suez. Si l’opération consiste à racheter 29,9 % des parts détenues par Engie dans Suez, Veolia pourrait ensuite réaliser une OPA sur le reste du capital. Cependant, le numéro deux français ne compte pas se laisser faire, encore moins par son rival historique. Alors que la bataille entre Suez, Veolia et Engie fait rage depuis déjà plusieurs semaines, Inside Finance vous propose, un déroulé des événements à travers 8 dates clés.

30 AOUT : VEOLIA ANNONCE VOULOIR RACHETER SUEZ 

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Antoine Frérot, président de Veolia.

Cette annonce fait écho à la décision d’Engie du 21 juillet 2020 de se concentrer sur les énergies renouvelables et donc de céder ses parts dans Suez. Veolia formule alors une offre de 2,9 milliards d’euros pour 29,9% du capital de Suez. Le prix d’achat se monte donc à 15,50 euros par action, soit une prime de 50 % sur le cours de clôture de Suez du 30 juillet non affecté par l’annonce d’Engie. Si l’offre est acceptée, Veolia a l’intention de réaliser une OPA sur le solde des actions de son concurrent. Par ailleurs, Veolia céderait la branche « eau de France » de Suez à l'investisseur industriel Meridiam.

31 AOUT : LE CONSEIL D’ADMINISTRATION DE SUEZ S’OPPOSE À L’OFFRE DE VEOLIA.

Le conseil d’administration de Suez se réunit en urgence suite à l’annonce de Veolia. Le communiqué qui s’en suit est sans équivoque, Suez rejette fermement l’offre de Veolia. D’après la direction de Suez, la stratégie proposée engendrerait des « dissynergies » ainsi que des pertes d’opportunités en France et à l’international. Le groupe reproche le caractère inamical de cette opération et craint surtout des répercussions négatives sur l’emploi.

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Philippe Varin, président du CA de suez

18 SEPTEMBRE : ENGIE EN RÉCLAME DAVANTAGE DE LA PART DE VEOLIA

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Le conseil d'administration considère que l'offre de Veolia n'est pas acceptable en l'état et espère une "amélioration des termes de son offre". Pas question de céder ses parts dans Suez pour un prix de 15,50 euros l’action. Si le groupe ouvre la porte aux négociations, il précise qu’il n’y aura pas de deal si Veolia n’augmente pas son offre. Alors qu’Engie n’a reçu aucune offre alternative, on y travaillerait activement du côté de Suez. Bertrand Camus, directeur général, et Philippe Varin y sont même encouragés par Bruno Le Maire, ministre de l’économie, alors même que l’état est actionnaire à hauteur de 23,64% du capital d’Engie. 

Jean-Pierre Clamadieu, président d’Engie

22 SEPTEMBRE : L’INQUIETUDE MONTE CHEZ LES SALARIÉS DE SUEZ

L’intersyndicale appelle les salariés de Suez à faire grève et organise une journée de mobilisation devant le siège d’Engie à la défense. Des membres de la direction comme Jean jaques boursier, craignent une casse sociale qui menacerait plus de 10'000 emplois dans le monde et entre 4'000 à 5'000 postes en France d’après son estimation. De leur côté, Antoine Frérot et Veolia renouvellent leurs tentatives visant à rassurer les employés de Suez, en assurant qu’il n’y aura « strictement aucune perte d’emploi ».

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Suez : Mobilisation contre l’OPA de Veolia

Alors que les dirigeants de Suez et Veolia sont auditionnés par la commission des finances de l’assemblée national, Suez toujours en proie à l’OPA de son concurrent, tente une parade et décide de loger son activité « eau de France » dans une fondation aux Pays-Bas. Suez pourrait grâce à cette manœuvre juridique rendre inaliénables toutes cessions durant 4 ans et donc préserver son intégrité.

En effet, Veolia s’est engagé à vendre la branche « eau de France » de Suez à Meridiam afin d’éviter une situation de monopole sur le marché de l’eau français.

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23 SEPTEMBRE : LA DIRECTION DE SUEZ TENTE DE FAIRE CAPOTER LA FUSION.

Le PDG de Veolia réagi dès le lendemain sur le plateau de BFM Business, et ne mâche pas ses mots, il s'agit pour lui d'une « dernière manœuvre un peu pitoyable de désertion ». Il attaque même frontalement les dirigeant de Suez, Bertrand Camus et Philippe Varin, respectivement directeur général et président.

« Quand on défend son poste plutôt que son entreprise face à un projet d’intérêt national, j’estime qu’on trahit, et son entreprise, et la France ». Antoine Frérot ajoute pour autant que « Ce coup fourré n’est pas de nature à me décourager ». Il y a de l’eau dans le gaz...

30 SEPTEMBRE : VEOLIA SOUMET UNE NOUVELLE OFFRE

Dans une quête visant à prendre le contrôle sur son rival historique Suez, Veolia persiste, et améliore au mercredi 30 septembre son offre faite à Engie. L’objectif étant toujours de racheter la quasi-totalité des parts (29,9% sur 32%) que le groupe présidé par Jean-Pierre Clamadieu possède dans le numéro 2 mondial de l’eau et des déchets. Antoine Frérot propose désormais 3,4 milliards d’euros à Engie, soit 18 euros par action Suez, contre 15,50 euros annoncés au 30 août. 

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Suez est donc valorisé par cette offre à 11,2 milliards, au lieu des 9,7 milliards sur la base de l’offre  précédente. Mercredi, à l’ouverture de la bourse parisienne, Suez gagnait près de 7%. Cependant la plus importante avancé concerne le caractère amical de cette offre. En effet, Veolia s’engage sur une période de 6 mois allant jusqu’aux 31 mars 2021, à ne pas faire d’OPA sur les 70,1% restant du capital de suez sans l’accord de son conseil d’administration. En contrepartie, Antoine Frérot demande à son concurrent qu’il « désactive immédiatement » la fondation de droit néerlandais fondée le 28 septembre. Ainsi, il pourrait céder les activités « Eau de France » à Meridiam comme le groupe l’avait initialement prévu.

5 OCTOBRE : ENGIE ACCEPTE L’OFFRE DE VEOLIA

Antoine Frérot, peut enfin crier victoire. Le conseil d’administration d’Engie a annoncé, Lundi 5 octobre, avoir accepté l’offre de Veolia, et ce, malgré l’hostilité de l’état français qui a voté contre.  Jean-Pierre Clamadieu a lui aussi réussi son coup, en décidant cet été de céder les parts d’Engie dans Suez. Le groupe va ainsi pouvoir renforcer « sa capacité d'investissements dans les énergies renouvelables » et accélérer la transition énergétique. Les dirigeants de Suez, eux, continuent de penser qu’il s’agit d’une opération « hostile » qui s’est déroulée dans des « conditions inédites et irrégulières ». 

Cette décision marque la fin de la première partie de ce feuilleton, mais Suez est loin d’avoir dit son dernier mot, et compte bien mettre des bâtons dans les roues au projet de son rival Veolia.

9 OCTOBRE : LE TRIBUNAL DE PARIS ORDONNE LA SUSPENSION DE L’OPERATION

     

Le tribunal judiciaire de Paris avait été saisi en référé par les comités sociaux et économiques du groupe Suez. Cette décision qui ordonne « la suspension de l’opération » est un nouveau rebondissement dans le dossier qui oppose Suez et Veolia. Selon l'ordonnance de référé, les comités sociaux et économiques (CSE) de Suez et Suez Eau France, n'auront pas été « informés et consultés » sur les décisions déjà prises. Cette décision ne remettrait pas en cause la transaction, mais pourrait induire une procédure plus longue. Il s’agit donc pour Suez d’une victoire symbolique plus qu’autre chose.

Suez, Veolia et Engie n’en sont pas leur première fusion/acquisition, alors si le domaine du M&A vous intéresse ou si vous voulez en savoir plus sur le passé de ces entreprises, voici un résumé des moments marquants de leur histoire.

 

Suez est issue de la Compagnie universelle du canal maritime de Suez fondée en 1858 par Ferdinand de Lesseps. Le champ d’activités et les compétences actuels de Suez ne sont acquises qu’en 1974, lorsque la Compagnie Financière de Suez devient l’actionnaire majoritaire de la Lyonnaise des Eaux, entreprise fondée en 1880 qui avait déjà absorbé Degrémont (traitement des eaux, rachetée en 1946) et SITA (déchets, rachetée en 1971).

En 1997, la Compagnie financière de Suez et la Lyonnaise des Eaux fusionnent, donnant naissance à Suez Lyonnaise des Eaux. En 2001, la société simplifie son nom en Suez. Entre temps a lieu en 1946 la nationalisation de toutes les entreprises gazières et électriques françaises causant la création de GDF et EDF.

GDF va faire face à de profonds bouleversements à partir de la fin des années 90. D'abord, lorsque la Commission européenne impose l'ouverture progressive du marché de l'énergie en France. En 1998 une première directive est transposée en droit français. Cette disposition conduit à l'ouverture du marché du gaz pour les grands sites industriels. Cette ouverture se poursuit respectivement en 2004 et 2007 pour les clients professionnels et résidentiels. En 2004, GDF change de statut pour devenir une société anonyme, et s’introduit en bourse l’année suivante. 

Alors qu’en Europe le marché de l'énergie est en pleine recomposition, la crainte d'une offensive venue d'Italie incite Gaz de France et Suez à discuter d'un rapprochement. Désormais, plus rien ne s'oppose à de grandes manœuvres. Et c’est au début de l’année 2006 que leur fusion est officiellement annoncée. Mais la création de ce mastodonte ne va pas de soi, tant les cultures des deux groupes sont différentes…

Qui plus est, l’état pousse Suez à se séparer de son pôle environnement, via une introduction en Bourse pour rééquilibrer les deux groupes (Suez pesait 55 milliards d'euros contre 35 milliards pour Gaz de France ). Les modalités de l'introduction en bourse sont les suivantes : tout juste avant la fusion de Suez par GDF, le groupe Suez se sépare de Suez Environnement en distribuant à ses actionnaires (autres que GDF) 65 % des actions de la nouvelle société ainsi créée (Suez Environnement), tandis que 35 % des actions restantes sont distribuées au groupe GDF Suez.

Ainsi, dans la nuit du 22 au 23 juillet 2008 naît le nouveau groupe GDF Suez, un géant de l'énergie, qui représente 75 milliards d'euros de chiffres d'affaires, et dont le principal actionnaire est l'Etat avec 35,6 % du capital. Les années passent et de multiples changement de nom s’opèrent. En 2015 GDF Suez devient ENGIE, ce qui permet à Suez Environnement de simplifier son nom en Suez. 

 

Veolia de son côté est l’héritière de la compagnie générale des eaux. Jusque dans les 70, le rayon d’action de l’entreprise est limité aux activités de production et de distribution de l’eau.

Arrivé en 1976, le nouveau président Guy Dejouany va diversifier l’entreprise. Ses investissements portent notamment sur la gestion des déchets, les transports, l’énergie, ou encore la construction. La compagnie générale des eaux participe également à la création de Canal+ en 1983. Le virage vers les médias et la télécommunication s’accentue dans les années 90 lorsque le groupe créé Cegetel, sociétés actives dans la téléphonie avec notamment des marques comme SFR. Jean-Marie Messier prend ensuite la tête du groupe en 1996 et poursuit la diversification de celui-ci avec de nombreux investissements dans les nouvelles technologies, ce qui lui voudra en partie le surnom de J6M (Jean-Marie Messier moi-même maître du monde).

En 1998, afin d’accélérer son développement à l’international, la Compagnie générale des eaux change de nom et devient Vivendi. Le groupe commence dès lors à se désengager de ses activités traditionnelles, et vend son pôle construction, la SGE (ancêtre de Vinci). Deux ans plus tard, le groupe introduit en bourse son pôle environnement « Vivendi Environnement », et ne détient à cette occasion plus que 70% du capital. En 2003, alors que le désengagement de Vivendi s’est accentué, Vivendi Environnement prend le nom de Veolia Environnement. Vivendi abandonne et se désengage totalement de Veolia Environnement en 2006. 

Après plusieurs réorganisations internes, le groupe qui porte désormais le nom Veolia, est au premier rang mondial des services de gestion d’eau et de transformation des déchets avec un chiffre d’affaires de 27,2 milliards d’euros en 2019 et plus 178'000 salariés dans le monde.

5 novembre 2020, Charles Mouton

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