Corruption, pouvoir et argent : l’affaire des Pandora Papers
Corruption, pouvoir et argent sont les mots d’ordres lorsqu’il il s’agit d’évoquer l’affaire des Pandora Papers. Faisant suite aux affaires des Panama Papers puis des Paradise Papers publiées en 2016 et 2017 par l’International Consortium of Investigative Journalists (ICIJ), le fameux consortium revient en force avec la publication datée du 3 octobre 2021 d’approximativement 11,9 millions de documents en tout genre attestant de réseaux élitistes internationaux d’évasion fiscale et de corruption. Politiciens de premier plan, élites sportives, riches homme d’affaires et personnalités religieuses sont impliqués dans ce que l’on peut désormais appeler l’une des plus grandes mises en évidence d’évasion fiscale de tous les temps.
Effectivement, ces documents dévoilent qu’afin d’éviter de payer certains impôts dans leurs pays respectifs, plusieurs personnalités de premier ordre détenaient au travers de sociétés écrans (sociétés créées dans des paradis fiscaux en vue de ne pas être remonté et donc ne pas avoir à déclarer certains biens en vue de ne pas être imposable dessus) divers actifs tels que des biens immobiliers de luxe ou encore des comptes bancaires par exemple, pour une somme totale comprise entre 5200 et 32000 milliards de dollars selon l’ICIJ. Le FMI estime quant à lui les pertes annuelles endurées par les gouvernements du monde entier à 600 milliards de dollars.
C’est grâce à des cabinets juridiques corrompus situés sur des territoires qualifiés de ‘’paradis fiscaux’’ comme le Panama ou les Iles Caïman pour ne citer qu’eux, que ces individus créent des sociétés offshores en vue d’y dissimuler leur réelle richesse. D’une part, les détenteurs de ces firmes sont très difficilement identifiables par les autorités compétentes de leur Etat d’origine grâce aux lois protectrices de ces paradis fiscaux ce qui leur permet de ne pas déclarer ces parts d’entreprise dans leurs déclarations de patrimoine, d’autre part, les taux d’imposition de ces paradis fiscaux tendent vers 0%. Dans le cas de rachat de sociétés offshore détenant des actifs normalement imposables si acquis en nom propre, il leur est possible d’éviter de payer cet impôt ; prenons le cas de l’ancien Premier Ministre Britannique qui, en rachetant une société immobilière appartenant au ministre de l’Industrie de Bahreïn qui avait dans ses actifs un immeuble évalué à 8,8 millions de dollars, a pu éviter de payer des impôts fonciers de 400'000 dollars.
En effet, ce sont des noms tels que ceux du Roi de Jordanie qui s’est offert pas moins de 3 manoirs à Malibu estimés à 68 millions de dollars américains via des sociétés offshore, de l’actuel Premier Ministre tchèque qui a notamment acquis un château situé sur la Côte d’Azur évalué à 22 millions de dollars américains par le biais de sociétés offshore , du Président du Kenya, de Dominique Strauss-Kahn, d’Elton John, Shakira et bien d’autres encore qui ressortent dans les dossiers de cette affaire.
Cette affaire nous rappelle également celle des Luxembourg Leaks ‘’LuxLeaks’’, publiée par l’ICIJ qui avait récolté plusieurs documents rédigés par PWC entre 2002 et 2010 qui révélaient que grand nombre de multinationales telles que UBS, Crédit Suisse, Ikea, Apple, Richemont et bien d’autres avaient passé des accords secrets avec l’administration fiscale luxembourgeoise. Le principe était que ces multinationales détenaient des filiales ou des holdings dans lesquelles étaient transférés leurs profits afin de jouir d’une faible imposition faisant ainsi perdre des milliards de dollars de recettes aux Etats. Le ‘’tax ruling’’ n’est cependant pas une pratique illégale, il s’agit de demander à l’avance à une administration fiscale comment elle s’occupera de traiter l’imposition de l’entreprise.
On relève également plusieurs noms d’entreprises suisses dans ces fameux dossiers, entreprises qui auraient aidé plusieurs de leurs clients dont les sociétés faisaient l’objet d’enquêtes pour blanchiment d’argent et divers crimes financiers entre 2005 et 2016. Il y aurait au total 90 firmes suisses impliquées dans ces réseaux d’évasion fiscale. L’ICIJ a notamment sorti le nom de Fidinam, un cabinet zurichois de consulting fiscal qui s’est défendu de toute accusation stipulant que ses "entités suisses se conforment et se sont conformées dûment aux obligations juridiques et régulatoires en vigueur en Suisse et aux régulations applicables au niveau international".
Pour résumer, ces individus ont profité de failles dans le système juridique pour ne pas avoir à déclarer leur réel patrimoine en possédant leurs biens via des sociétés offshore détenues secrètement. Tout cela pose une question de fond qui est de savoir comment mettre fin à ces systèmes de montages financiers alors que les personnes supposées les combattre sont celles qui en profitent.
22 Octobre 2021, Filipe Duarte
Sources :
https://www.bbc.com/afrique/monde-58790971
https://www.icij.org/investigations/pandora-papers/shakira-sachin-julio-celebrities-use-offshore/
https://www.bilan.ch/economie/pandora-papers-90-societes-suisses-seraient-impliquees-icij
https://www.icij.org/investigations/pandora-papers/global-investigation-tax-havens-offshore/